Le centre d'un monde
Le jour, je traîne mes godasses quelques heures dans les bois parcourus de veines de vie. Je détaille les petits mondes de mousse.
Je m'étonne de certaines formes de vie. Comme ce champignon solitaire.
Je vais plus haut, je contemple mon monde escarpé et lointain depuis les balcons. Ses mystères probables.
Tout est silencieux. Sauf les châtaignes qui tombent et font crépiter le sous-bois. Feu de l'automne.
Plus haut des cris caractéristiques me parviennent. Toujours cette impression de les avoir d'abord entendus dans ma tête. Mais non. Je lève la tête et elles sont là, les grues, passagères de l'automne, comme un soulagement, un point de repère planté au milieu de ce temps incompréhensible. Salutations âmes voyageuses. M'oubliez pas, envoyez-moi une carte postale. S'il vous plaît ! Pitié...
Et puis, plus haut, l'aubépine, ce phare mystérieux autour duquel s'organisent toutes mes pensées. J'ai voulu aller la voir mais une corneille noire était déjà là et je me suis retiré.
Aller rêver plus loin... Puis redescendre...
Aujourd'hui, depuis la maison, j'avais encore les yeux sur mon aubépine. Et la réalité m'a encore démontré son épaisseur énigmatique. Souvenez-vous de ma vision :
Je ne crois absolument pas aux forces occultes. Mais là, force est de constater qu'il se passe une chose étrange qui échappe à ma compréhension dans les parages de cette aubépine. Il y a là comme un carrefour obligé pour les forces sauvages, une place incontournable de la cité des bêtes.
C'est ainsi que j'ai vu les vautours en approche et le seigneur des cieux pyrénéens, le grand gypaète qui ne m'avait pas honoré de sa visite depuis longtemps.
Ils se sont croisés loin dans le ciel.
Et tous ont brassé de leurs ailes le jardin du ciel où pousse l'aubépine. Une buse était là aussi.
Pour ne pas faire de jaloux je n'oublierais pas de mentionner que le gypaète a survolé aussi mon hêtre fétiche.
Ce lieu est le centre d'un monde, à coup sûr. L'histoire ne dit pas si l'aubépine s'y est installée à cause de ça, ou si au contraire tout découle de sa présence ici.
Tout me rappele moi aussi vers ce coeur qui bat là. Je gravite autour dans une orbite maladroite, désaxée.