Les rapaces du dimanche
Premier jour de beau temps depuis un moment sur la Vallée des Aut's Mecs : j'en ai profité pour continuer mes repérages rapaces autour des petites falaises du coin. Il ne se passe pas une sortie sans que je vois des choses et ce, de plus en plus précisément ; celle-ci n'a pas dérogé à la règle. On commence dans la montée alors que je chausse mes raquettes : dans l'immensité blanche du versant qui me fait face, une petite troupe de biches et jeunes cerfs se hâte vers la forêt voisine, probablement dérangée sur son lieu de repos. J'imagine que cette traversée à découvert, en plein jour et sur cette neige qui attire nécessairement l'attention sur leurs silhouettes galopantes ne leur plaît que modérément.
Puis, à l'approche de la falaise aux vautours, ce sont les cris caractéristiques du faucon pèlerin qui atteignent mes oreilles. Tandis que je m'installe à mon poste d'observation, ils déchirent l'air glacial comme un appel impatient aux premiers rayons du soleil qui lèchent la cime des hêtres. Une heure de jumelage ne me permet pas de localiser l'oiseau jusqu'à ce qu'il finisse par s'envoler. Cela donne une photo de loin, premier petit pas vers l'intimité d'un animal mythique :
Ensuite, j'assiste pendant 2 heures au manège des vautours rechargeant leur nids.
Etape 1 : quitter la falaise
Etape 2 : se poser sur une grande bruyère
Etape 3 : en arracher un rameau et repartir en sens inverse
Etape 4 : assurer le transport, ce que cet oiseau peine à faire !
Vers 13 heures, je suis complètement glacé dans l'ombre de la hêtraie silencieuse alors je rejoins la crête ensoleillée. Je constate avec plaisir qu'une biche a laissé l'empreinte de ses sabots dans celle de mes raquettes pour passer à 20 mètres de moi sans que je m'en aperçoive. La neige met si bien en évidence les chassés croisés de l'homme et de la bête, et la proximité invisible du monde sauvage que lorsqu'elle disparaît, j'ai l'impression que les forêts sont moins peuplées. Alors que je casse la croûte, j'assiste à l'arrivée d'un autre grand voilier, l'aigle royal, en couple, qui passe au-dessus de ma tête et que je photographie en catastrophe, mes doigts collants de jus de mandarine n'assurant visiblement pas une stabilité parfaite à mon matériel ...
Peu importe car mon poul s'accélère quand je vois les 2 oiseaux raser une falaise connue pour avoir accueilli une aire et finir par s'y poser !
Puis, alors que l'un deux disparaît, je vois le second entamer un manège semblable à celui des vautours. Se perchant sur les branches croulantes de neige des hêtres accrochés à la falaise, il en brise de grands morceaux, s'envole avec et se dirige dans un renfoncement de la falaise.... l'aire !
C'est décidément une belle journée d'hiver qui étire ses heures sous mon regard et on sent bien que les oiseaux profitent de cette fenêtre exceptionnelle de beau temps. Dans mon dos, le petit peuple de la hêtraie est en effervescence. Mésanges charbonnières, bleues, noires, pinsons des arbres et sittelles inspectent minutieusement les branches. Le petit grimpereau des bois est là lui aussi avec ses allures de pic enfermé dans un corps de mésange à longue queue :
Et puis, bien sûr, il ne manquait plus que lui , le seigneur barbu des cieux pyrénéens, le gypaète, qui passe sous la falaise des aigles avant de profiter des ascendances qui se forment sur le versant sud de la montagne sur laquelle je suis perché pour s'élever en quelques orbes élégantes et rapides au-dessus de ma tête :
Au-dessus de ma tête, lui en haut, moi en bas et tous les Aut's Mecs encore plus bas, tel est l'ordre des choses aujourd'hui dans la VDAM.
A la descente, je croise un isard des neiges et des chevreuils des bois.
Aujourd'hui, des routes sauvages se sont ouvertes sur lesquelles je m'imagine déjà avancer à tâtons avec une patience gourmande.