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Dans la vallée des auts' mecs
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11 août 2013

Quand l'aube d'un geste tendre...

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... prend mon menton d'enfant bougon dans la coupe de sa main et force doucement mon visage vers la clarté insondable de ses yeux purs, en moi la nuit se noie. Un nouveau jour commence dans la Vallée des Auts' Mecs.

Et je me redresse, je détourne finalement les yeux d'un feu qui n'a pas survécu à la nuit,  je cherche le regard de l'aube pour y lire les promesses connues. Un nouveau jour commence en moi.

Quand d'un geste tendre j'effleure enfin le flanc de l'aube fuyante, elle disparaît instantanément dans la forêt la plus proche - le soleil va bientôt faire son entrée - et me laisse, comme un baiser de l'âge tendre avorté au coin des lèvres, le goût d'une faim bien connue, inassouvie, celle que j'éprouve pour le monde qui attend là, à ma porte, et auquel je vais aller voler, plein de rage tendre, d'autres baisers qui me feront homme.

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Exemple :

Je rends une nouvelle fois visite au point culminant de la VDAM, celui que j'appelle affectueusement "l'Everest". Ce n'est pas vraiment un pèlerinage, plutôt une visite à un ami. La première partie de l'ascension se fait dans une brume épaisse, dévorante, fourmillante, qui gomme le paysage, cloue les papillons et les idées au sol. Le corps fait appel à sa mémoire pour retrouver son chemin. Quelques visions (là pas besoin de se forcer, on est condamné à la vision) égrènent le parcours.

Une corneille :

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une aubépine :

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J'adore cet arbre, j'en profite pour en parler un peu. Dans la montagne, il y a la forêt des géants grégaires, sapins, hêtres : foule compacte, hermétique, solidaire. Et puis, à l'opposé, il y a l'aubépine. Souvent posée sur une crête, isolée à la jonction des versants, au point précis où le marcheur voit soudain s'ouvrir à lui un paysage nouveau, l'aubépine solitaire semble l'étrange incarnation végétale du hasard (celui qui fait bien les choses). Je m'étonne toujours quand je croise un nouvel individu -comment es-tu arrivé là-quand-quel âge as-tu ? et je remarque son incroyable pouvoir d'attraction : le sentier pourrait passer ailleurs, un peu plus bas ou un peu plus haut, mais non, il est là, au pied de l'arbre. Quand je vois une aubépine dans un lieu inconnu de la montagne, j'ai toujours le réflexe de la rejoindre. Je suppose qu'il en est de même pour les autres hommes (halte, repère, parasol, affût) et aussi pour les bêtes domestiques et sauvages (crin de cheval accroché aux branches basses, laine de mouton et poil de sanglier sur le tronc, gourmandise des feuilles tendres, perchoir etc...).

En attendant, dans ce brouillard où même le vert semble gris, l'aubépine est le refuge fantomatique de quelques passereaux , mésange charbonnière et tarin des aulnes (en fait c'est un bruant jaune) :

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Je pourrais très bien faire un jour un rêve d'aubépine. Ce que j'aime je le rêve toujours. Avant ou après. Indifférente aux inconstances du temps, cramponnée à la terre par des racines à la pousse lente et patiente, l'aubépine a l'âme coriace et se fiche pas mal de moi. Son bois de coeur est de pierre. Et moi, repensant à elle avant de dormir, je me mets à répéter son nom comme on répète un prénom : aubépine, aubépine, aubépine, aubépine, aubépine...aube, épine.

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Revenons à notre escapade, dégageons-nous de la brume. Voilà qui commence à se faire, voilà qui est fait. Petite traversée verticale du désert accomplie. Oasis de lumière. Une araignée attend dans l'écrin somptueux qu'elle a tissé pour un quelconque inconscient. ("Vous les avez connus ceux qui dans un élan de poésie mal contrôlé...")

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Revoilà dans un coin mon hôtel particulier :

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Sur la crête tranquille qui disparaît par endroit sous un petit banc de brume passager, les autres mecs sont là qui assitent à ma balade.

Le vautour fauve :

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le petit accenteur :

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un faucon pèlerin en maraude :

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Bientôt, se dessine la silhouette de mon pote:

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Il me fait signe. En poussant la grille de son jardin, dans un coin, je vois quelques isards derrière les rhododendrons :

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On a désormais bien quitté la brume et une belle mer de nuages se dessine sur la plaine. Comme l'océan, on peine à imaginer ce qu'il y a sous sa surface vivante :

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Voilà, je monte les dernières marches, mon pote me sourit et je l'embrasse. On se pose sur sa terrasse pour le café. La brume joue à nos pieds. On se met à parler des affaires courantes avant que la conversation ne dérive vers autre chose, comme d'habitude.

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Il me dit :

"- Guillaume tu en es où avec ta vanité, comment se porte ton orgueil ? T'empêchent-ils toujours de te laisser aller au moment présent ? T'en sers-tu au moins pour faire  quelque chose, te donnent-ils une forme de volonté supérieure, celle de créer un truc par exemple ?

- Ouh là ! si j'avais su que t'étais aussi mal luné, mon pote, je serais pas venu ! C'est facile pour toi du haut de tes siècles d'expérience ! Lâche-moi !"

Il me gonfle celui-là. Je vais faire un tour dans le jardin pour me calmer. Bien sûr je sais qu'il a raison sur toute la ligne. Mais je me soigne. J'essaie de progresser.

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Il m' a suivi sans que je m'en rende compte :

" Alors, préfères-tu toujours te regarder vivre que vivre ?"

"Dégage putain !"

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